Pour commencer, je dois vous dire que la Hurricane Heat 12hrs de Kuching en Malaisie n’était pas ma première, puisque j’avais déjà participé à des versions plus courtes, 3 et 4h, à Singapour. (J’ai aussi participé à des Spartan Races standards, qui sont très très différentes des HH. Je raconte ici mes expériences de première Spartan et de Trifecta Weekend, c’est à dire 3 courses en 2 jours)
En m’inscrivant pour une épreuve de 12 heures, j’étais consciente que j’allais devoir fournir plus d’efforts et aller chercher plus loin physiquement et mentalement, pour tenir. J’avais envie, ou plutôt besoin, de raconter l’expérience à chaud (j’écris ceci le lendemain de la fin de la course, après une nuit de sommeil assez compliquée), de mettre des mots sur l’espèce de mélange d’émotions intenses que j’ai ressenti (et que je suis toujours en train d’analyser.)
Je sais que beaucoup ne pourront pas comprendre le “pourquoi” de ce genre d’épreuves, ni la motivation qui m’a poussé, moi et 33 autres individus, à s’inscrire à cet évènement, et à passer une nuit entière de la sorte. On a tous une raison très personnelle de le faire, et évidemment, ce n’est pas pour tout le monde. J’ai vu des gens abandonner lors des éditions précédentes, et je ne peux pas leur en vouloir : c’est drainant à la fois physiquement et mentalement, et on se retrouve souvent dans les recoins les plus sombres de sa propre tête. Pour autant, c’est une expérience incroyable, et si je ne pousse personne à le faire, j’aimerais vous partager ce que j’ai vécu.
Déjà, les Hurricane Heats, c’est quoi?
Ce sont des épreuves organisées par Spartan Race, sous la branche “Extreme Endurance”. Les formats varient: 3h, 4h, 12h et 24h dans la majorité des cas.
Je vais essayer de résumer au mieux le concept, mais chaque évènement est très différent du précédent (et ils varient aussi en fonction des régions, les HH en Russie ou aux USA ne se ressemblent pas non plus).
C’est une sorte d’épreuve de « survie » militaire constituée de plusieurs épreuves, plus ou moins longues, ou des encadrants (qu’on appelle Krypteia) donnent des instructions, comptent les points, et testent les limites des participants.
Le format varie, mais il y a des constantes : les épreuves sont volontairement absurdes et sans sens rationnel : il faut souvent porter des choses très lourdes, se rouler dans la boue, courir (le tout des centaines de fois, sans raison apparente) bref, obéir aveuglement à des ordres que l’on accepterait jamais “dans la vraie vie”.
Il y a aussi des choses à apprendre (des nouvelles techniques, l’esprit d’équipe, etc), et il faut accepter la douleur, physique et mentale, puisque tout est fait pour pousser les participants (appelés “étudiants”) dans leurs retranchements (par des invectives, des humiliations, des remontrances). .
Ce n’est pas une course, puisqu’il n’y a pas de distance à parcourir, c’est un événement limité dans le temps. Il y a par contre des points à gagner, individuellement et en équipe, qui permettent d’accéder ou non à l’obtention du titre de “graduate”, c’est à dire recevoir la médaille et le dog tag, qui est une manière de dire que l’on a “réussi” l’épreuve globale.
Les taux de réussite varient, et les règles ne sont jamais vraiment données à la base : on ne sait pas combien de points il faut pour “graduate”, et il faut donc s’accorder avec soi même sur combien d’énergie et d’efforts on veut mettre.
Je vais essayer de vous raconter mon expérience de la Hurricane Heat 12 heures de Sarawak (19 Octobre 2019), et j’oublierai surement des détails – vous penserez aussi peut être que ça n’a aucun sens de se mettre dans ce genre de situations (et de payer pour ça).
Je vais essayer de faire l’introspection nécessaire pour partager ce que j’ai appris, mais ce que vous allez lire va peut être laisser plus de questions que de réponses (je voulais vous prévenir, surtout pour mes amis et ma famille qui liront ça ensuite !)
Avant l’HH, la préparation
Contrairement à une course normale, il y a énormément de choses à prévoir avant le jour J. On reçoit une longue liste de matériel & équipements à avoir, qui inclue les standards militaires (de la paracorde, de l’adhésif résistant, un couteau de poche, une boussole, un marqueur, un kit médical de base, une bâche étanche, etc).
Pour cet évènement là, il y avait aussi 2 items plus encombrants : 8kg de poids mort (12kg pour les hommes), sous une forme au choix (j’ai opté pour du ciment en poudre, puisque c’est un matériau compact et facile à modeler, mais qui risque de prendre l’eau et de s’alourdir) et 2 briques de construction classique. On était aussi chargés d’amener 4L d’eau chacun et de quoi s’alimenter (nourriture + électrolytes) pendant 12 heures. Mon sac au final faisait environ 23kg, et si je dois l’avouer, j’ai fait une crise d’angoisse en le mettant la première fois sur mes épaules pour l’essayer avec le poids à l’intérieur : je fais 43kg, et 23kg avec la perspective de le porter pendant une demie journée complète était terrifiante.
Jour J: Quand il faut y aller…
C’était ma première HH de nuit : de 19h à 7h du matin (il faut savoir que l’horaire de fin n’est jamais vraiment fixe, il peut être étendu si “besoin”). Une nuit complète donc, sans dormir, sans dîner, avec 33 autres participants.
Des visages familiers, déjà croisés sur des courses ou des HH, et des inconnus. On ne reste jamais inconnus très longtemps, puisqu’on doit collaborer assez vite. Je suis la plus jeune, on dirait. La plus petite aussi.
Après s’être retrouvé au lieu de rendez-vous, on se prépare, on rend nos décharges et on fait vérifier nos poids morts, ceux qu’on va traîner jusqu’au lendemain matin. On rigole aussi pas mal, parce qu’on sait qu’on a signé pour quelque chose qui n’a pas de sens pour la plupart des gens.
L’évènement commence par un briefing : qui va encadrer, qu’est-ce qu’on doit en attendre, et des rappels sur les valeurs promues. Il y a un “Warrior Ethos”, 4 phrases qu’on passera la nuit à répéter (à crier, en vérité) quand on nous les demande :
I will always place the mission first (Je ferai toujours passer la mission en premier)
I will never accept defeat (Je n’accepterai jamais la défaite)
I will never quit (Je n’abandonnerai jamais)
I will never leave a fallen comrade (Je ne laisserai jamais un camarade derrière).
On a nos briques, on a nos sacs, on a nos lampes frontales et des gilets réfléchissants puisqu’on part dans l’obscurité totale, et il est temps de commencer.
Les 6 premières heures.
Je crois que l’on ne saisit jamais complètement la valeur du temps avant de devoir faire quoi que ce soit pendant 12 heures d’affilée. Il y a, comme précisé plus haut, 3 façons que l’événement s’arrête pour un des participants : l’abandon (médical ou volontaire), la fin du chronomètre, sans avoir réuni le nombre de points nécessaires (on dit que l’étudiant a “complété” l’événement) et la fin du chrono avec les points nécessaires (on dit que l’étudiant peut “graduate” et recevoir la médaille.) Il n’y a aucune autre possibilité. Ca fait partie de la pression initiale.
Contrairement aux HH précédentes, les épreuves “d’échauffement” étaient plutôt faciles – je suis relativement fit et entraînée, un peu trop légère pour porter le sac correctement (j’ai d’ailleurs investi dans un sac avec une ceinture lombaire, décision que j’ai béni toute la nuit ensuite), mais apte à courir et à faire des exercices de renforcement (squats avec des briques dans la main ou non, pompes, etc) pendant 1h30 sans souci.
On apprend une technique “traditionnelle” de Bornéo, où la course a lieu : tirer des flèches à la sarbacane, sur des cibles. C’est assez facile parce qu’il fait encore jour et qu’on est frais. On nous dit que ça servira plus tard.
Ils nous font déballer et remballer nos sacs une dizaine de fois, pour s’assurer qu’on a tout l’équipement nécessaire, facilement accessible, et que l’on a packé notre sac de manière intelligente. J’ai un couteau sans protection parce que je n’ai pas pu prendre l’avion pour la Malaisie avec un couteau papillon, j’ai trouvé ça dans un magasin de cuisine et je sens que c’est dangereux, mais je n’ai plus le temps d’y réfléchir.
Je plaisante avec Olga, que je connais de Singapour. On se promet de se serrer lescoudes et de garder le sourire jusqu’à la fin.
Le deuxième “challenge” est celui qui attaque le plus violemment le moral de la plupart des candidats, je crois. Il faut imaginer un circuit dans le noir, dans de la boue épaisse et pleine de cailloux, de 50m environ (aucune idée de la vraie distance, je me souviens juste que c’était long.) On nous demande de nous attacher prendre la main d’un des participants, de scotcher ensemble nos deux poignets, et de couvrir la distance (aller retour) en Bear Crawl (c’est à dire à quatre pattes, avec les genoux décollés du sol). Si on termine en 40min, on reçoit 2 points (des pailles), en 50min, 1 point, et sinon, 0 point.
La difficulté de la tâche et l’idée de passer au minimum une demie heure à faire quelque chose de douloureux et répétitif attaché à un inconnu, le tout avec un sac de 20kg dans le dos, rend le tout assez pénible.
On le fait quand même. Je suis avec une nana assez frêle, Alison, qui ne sait pas trop pourquoi elle s’est inscrite. C’est sa première, et visiblement, elle ne s’attendait pas à ça. On a mal, je dois la pousser un peu quand elle veut s’arrêter (parce que mes points dépendent de sa volonté et de ses efforts, et inversement). J’essaye de mettre mes doigts en dessous des siens, pour qu’elle arrête de s’ouvrir le dos de la main à chaque pas. On termine en 34min, et on reçoit 2 pailles. En coupant l’adhésif avec mon couteau, je m’ouvre le pouce. Mon rythme cardiaque est trop rapide, le sang coule à flots, et j’essaye de rester calme en appelant l’équipe de medic, qui me rince à l’eau et me colle un pansement de fortune. Je m’étais promise d’abandonner si je faisais un malaise. Je ne fais pas de malaise, bois un coup d’electrolytes, mange une barre de céréales. Ca va mieux.
On récupère et la douleur commence à passer. On apprend alors qu’il va falloir refaire l’exact même parcours, mais en Crab Walk, c’est à dire en s’appuyant sur ses pieds et ses mains, les fesses côté terre (évidemment, toujours avec les sacs), avec un participant attaché par la cheville cette fois. C’est plus compliqué, ça fait très mal aux poignets et aux épaules. J’ai le coude et le bas du dos ouverts avant la première moitié du parcours. Ma nouvelle co-équipière est plus âgée : elle a 45 ou 50 ans, ses genoux et son dos la font déjà souffrir, et on peine à avancer. On finira en 49min, pour 1 point seulement. L’équipe qui arrive juste après nous ne récupère aucun point, et je commence à sentir que la nuit serait longue. Il est seulement 23h.
L’épreuve suivante est un défi d’équipe, et je prends le lead de 10 inconnus, tous ou presque venus de Malaisie. J’ai appris récemment à utiliser une boussole à degrés, et ça tombe bien, c’est un défi d’orientation – il s’agit d’amener un énorme pneu dans un endroit précis, récupérer des briques, et revenir. Olga aussi a une équipe à elle, et je sais qu’elle fera du bon boulot.
Mon équipe est plutôt fragile, ils se sont inscrits pour le fun, et ils regrettent clairement la décision. Ils n’ont pas de motivation intrinsèque, pas d’objectif de se dépasser, ils voulaient juste s’amuser, et clairement c’est raté. Je souris en pensant aux bières qu’ils auraient du être en train de boire, au lieu d’écouter mes instructions dans la nuit. La jungle en Malaisie regorge d’insectes, d’araignées, de vers luminescents, de fourmis géantes, de moustiques. Le genre de choses qui me paralysait avant. Ca fait longtemps que j’ai arrêté d’avoir peur, de ça en tout cas.
On réussit le challenge sans souci majeur, on ramène le pneu et des cubes de béton en lieu sur, et on construit un esprit d’équipe : on chante dans la nuit pour se réconforter, c’est assez bon enfant. On gagne tous 1 point. Il en faut 4 pour avoir une brique, que l’on doit porter ensuite, mais qui est un token vers la “réussite”. Je gagne donc un peu de poids dans mon sac. Je dépense beaucoup d’énergie à aller discuter avec mes camarades, à leur demander de me raconter leur histoire, à les encourager. Je me souviens des gens qui m’ont parlé pendant ma première HH, et ça avait fait une vraie différence : si personne ne te connait, tu te dis que tu peux abandonner et que ça ne changera rien. Si tu expliques tes motivations à quelqu’un, et qu’on apprend ton nom et ton visage, alors tu deviens partie de l’équipe, et tu fais de ton mieux pour rester.
J’essaye de ne pas me concentrer sur ma douleur à moi.
On a une petite demie heure pour récupérer ensuite en attendant les autres équipes, et un de mes coéquipiers, qui avait terriblement mal au dos, s’endort. Je crois qu’il abandonnera par la suite. Il est minuit passé, et je commence à trembler de froid. J’enfile tout ce que j’ai dans mon sac, j’essaye de m’alimenter à coups de barres de céréales et de gels de glucides. Rien à faire. Je pars courir un peu pour me réchauffer. Il fait nuit noir, et à part nous, dans nos gilets réfléchissants, il n’y a rien.
Les 6h d’après.
L’épreuve qui suit est une épreuve individuelle, et elle se passe sur le terrain de course de la Spartan qui a lieu ce weekend. On a un circuit de 6 obstacles – un mur en A à escalader, un mur à descendre à la corde, des sacs à lever à l’aide de poulie (Hercule Hoist), une série d’anneaux (multi rigs), une montée de corde lisse, et le lancer de javelot. On doit courir d’obstacle en obstacle avec les sacs, poser les sacs, passer l’obstacle (ou faire 30 burpees en cas d’échec) et repartir. Chaque tour donne 1 point. C’est l’épreuve que j’ai préféré, parce que c’est quelque chose pour laquelle je suis relativement douée, et qui m’a permis de m’entrainer pour des courses suivantes : ces obstacles là ne me feront plus jamais peur, si je peux les faire dans la nuit noir, épuisée, avec juste une lampe frontale. Il est 2 ou 3h du matin à ma montre, j’ai l’impression que le temps ne passe pas. On ne nous dit pas combien de temps l’épreuve dure, alors on fait un tour, on récupère le point, et on recommence. Encore. et encore, et encore. Je ne sais pas trop quand j’ai commencé à perdre un peu la tête. Je réalise que je chantonne toute seule, des trucs qui n’ont pas vraiment de sens, pour me donner du courage. Olga est toujours de bonne humeur, alors on blague à voix haute, pour aider le groupe à dédramatiser. Ca fait 2h qu’on fait la même boucle d’obstacles infiniment. Au 5ème tour, je perds en grip et en force, j’en rate plusieurs. Je commence à pleurer.
Je gagne tout de même ma 2ème brique, ce qui me ramène à mes 25kg de sac de départ. Mon dos et mes genoux tirent, je n’ai plus aucune force dans les épaules, mais je suis un pas plus près de la médaille.
S’en suit une épreuve d’équipe, ou il faut lever au maximum tous les poids de l’Hercule Hoist en même temps (il y a 32 poids et on est désormais 33 participants) et les laisser en l’air pendant 10min. Il est 4 ou 5h du matin, les gens sont épuisés, les esprits s’échauffent, et on ne parvient pas à se coordonner. On entend en boucle des encadrants que l’on est incapables, que l’on ne peut pas réussir parce que l’on ne réfléchis pas assez, que l’on a pas ce qu’il faut – et ça commence à porter ses fruits. Certains sont sur le point d’abandonner, refusant de faire le moindre effort – ce qui, évidemment, agace les autres, qui veulent encore gagner des points. On perd 90min, pour au final échouer. La plupart des participants sont à bout, physiquement et nerveusement.
On part ensuite courir, avec les sacs, pendant 30min. Les capacités des participants sont inégales, et c’est dur de garder le groupe soudé, mais personne ne se plaint plus vraiment. Le soleil commence à se lever, et le ciel est rose et bleu, et c’est magnifique. La vie revient
Les encadrants nous alignent ensuite, pour nous faire réciter le warrior Ethos pour la 100ème fois au moins. Ils ont des tuyaux d’arrosage, et nous arrose allègrement d’eau froide, sur le corps et sur le visage, pendant qu’on anônne nos 4 phrases. Ca aurait été très humiliant si je n’avais pas trouvé ça drôle. Après la nuit passée à me rouler dans la boue, l’eau fraiche sur les joues fait du bien.
La dernière épreuve pour gagner des points est un circuit, avec des burpees, des jump squats, des pompes, des mountain climbers, et ..des tirs à la sarbacane, technique apprise en début d’aventure. Ca aurait du être la partie la plus simple, mais je suis épuisée, je suis arrivée à court d’énergie et de force, et je n’arrive plus à rien. Je passe presque 2h à pleurer en finissant les tours un par un. Chaque pompes me déchire les épaules, chaque fente sautée m’arrache les cuisses. Je récupère une 3ème brique. J’essaye de compter les burpees que j’ai fait depuis le début de la nuit, pour m’occuper. 330 au moins, certains participants en sont déjà à 500.
Et à la fin, ça s’arrête.
Un coup de sifflet, et on nous rappelle à la base. C’est fini.
Ceux qui ont 3 briques ou plus sont considérés comme “graduates”. C’est environ la moitié des participants. Les autres ne recevront pas de médaille. Ils ont soufferts et appris, mais n’en garderont rien de physique. Ils n’auront pas le titre.
Le speech final nous rappelle que dans la vie, on ne gagne pas à chaque fois. Qu’il faut être humble, et continuer d’apprendre. Je récupère ma médaille, il est 7h30 du matin. Je tremble, je ne sais plus trop ou j’en suis. On fait des photos, on tombe dans les bras les uns des autres. Je pars me doucher, au milieu du village de course Spartan en effervescence, qui se prépare pour la course de la journée.
Et alors, qu’est-ce que j’ai retenu, qu’est ce que ça m’a apporté?
Je crois que tout le monde a une raison très personnelle de participer à ce genre d’événement. Ca peut être vouloir se dépasser et trouver ses limites, ça peut être faire l’expérience de la douleur, ou de l’ordre imposé. Ca peut être aussi un besoin de se confronter à l’absurde : rien n’a de sens dans les épreuves que je vous raconte là, et c’est un peu à l’image de la vie elle même. On doit toujours gérer des imprévus, des situations complexes et des moments très difficiles, et si on se connait assez pour savoir comment on réagit sous la pression, quand on a peur, ou quand on a mal, on est plus à même de prendre des décisions éclairées.
Je fais ce genre d’évènements parce qu’ils me font me sentir vivante comme jamais. Avant, pendant, après. J’ai une peur terrible de la routine, de l’acquis, du confortable. Cette nuit là en était l’exact opposé.
J’y apprends à gérer mes efforts, à m’organiser, à garder la tête froide, même quand c’est difficile. Je fais ça aussi parce que je n’ai pas fait l’armée, et n’ai jamais vraiment eu à vivre en groupe ni à coopérer. Je découvre comment diriger une équipe ou à obéir à un leader, à faire passer l’intérêt commun avant le mien. Ces 12 heures m’ont aussi montré que j’étais capable de faire abstraction de ma douleur personnelle, si je pouvais utiliser cette énergie pour aider quelqu’un d’autre à gérer la sienne – j’avais l’expérience, et c’était mon devoir d’aider les autres à traverser cette épreuve et à fabriquer la leur. J’ai rencontré des gens très différents, que je n’aurais jamais eu la chance de côtoyer sinon. La chaleur humaine change tout.
J’ai aussi appris que parfois, faire le vide total dans sa tête, ne penser plus à rien, n’être plus qu’une “chose”, ça permettait de couvrir de la distance sans s’attacher aux conditions. Que 12 heures, c’est terriblement long, qu’une nuit entière ou l’on perd foncièrement espoir, ça a un goût particulier, et que même le lever de soleil ne suffit pas à tout arranger.
J’ai eu froid, faim, saigné, été déshydratée. J’ai des plaies partout encore, des courbatures jusque dans les doigts. J’ai du mal à dormir parce que mon subconscient passe en boucle des images de la course, des cris, des sensations désagréables. Après la course, je voulais rentrer faire une sieste, et je n’ai pas réussi à dormir une seconde jusqu’à la nuit d’après, et je n’y serais pas parvenue sans cachets.
Chaque Hurricane Heat touche quelque chose de profond en moi. Parce que c’est stupide, et pas nécessaire, parce que ça fait mal et que c’est un cran au dessus de mes capacités physiques. J’aimerais être plus forte physiquement et mentalement, et ça m’aide énormément à identifier les manques, et à y travailler. J’étais plus prête que jamais auparavant, et je vais apprendre de celle ci, pour être encore plus forte la fois d’après. Il y aura une prochaine fois, évidemment. Là je ne veux pas y penser, ma main gauche tremble encore un peu. Mais je vais récupérer comme il se doit, laver mon sac du ciment qui a fini par couler dedans, prendre du recul sur ce qui s’est passé… et en faire une autre, dès que possible.
5 Comments
je suis scotchée… bravo!
Faire le vide mental. Bonne lesson et felicitations 😁
Faire le vide mais aussi savoir quand être en pleine maitrise. C’était une sacrée aventure haha
Merci pour cet éclairage très instructif. En effet, au premier abord on peut ne pas y voir d’intérêt, mais les mots que tu as mis sur cette expérience m’aident à comprendre ton point de vue. Félicitations en tout cas.
Contente que ça puisse donner un regard différent sur ce genre d’épreuves – et merci pour le soutien !