Le 16 novembre 2019, j’étais sur la ligne de départ pour ma toute première Spartan Ultra Beast, à Iskandar Puteri en Malaisie. J’aurais aimé dire que c’était un choix murement réfléchi, mais je m’étais inscrite, avec ma coéquipière, sur un coup de tête, 2 mois plus tôt, alors que je marchais toujours avec des béquilles (suite à ma blessure, dont j’avais tiré les conclusions ici). Ce qui s’est passé pendant les 2 mois d’entrainement, et les 8h17:05 d’épreuve, ont été une expérience à part, et j’aimerais partager mes pensées, interrogations et conclusions avec vous  (je trouve ça plus intéressant que vous raconter la course dans l’ordre, au final). 

Vous retrouverez dans l’article ici tous mes conseils pour bien préparer une Ultra Beast ! 

 

1. Ne jamais dire « jamais »

Ca fait 3 ans que je cours des Spartan Races – depuis ma 1ère Spartan à l’arrache, j’en ai couru une quinzaine, dont un trifecta weekend, 3 Hurricane Heats, et je suis devenue Spartan SGX Coach certifiée. Et depuis 3 ans, je vois des coureurs se lancer pour l’Ultra (50km, 60 obstacles) sans jamais pouvoir comprendre leur motivation. Je les voyais, là, en chasuble violet, et je me disais qu’il fallait être cinglé pour vouloir faire 2 tours de la Beast + 8 bornes. Il faut dire que je détestais courir, et que du coup, 50km, c’était une absurdité sans nom – et je sais que pour beaucoup de gens qui vont lire ça, ça l’est aussi. Mais on a tendance à chercher un défi toujours plus grand, et l’Ultra était peut être le dernier format qui me faisait peur, parce qu’il me mettait agressivement face à mes faiblesses. S’inscrire à deux a été beaucoup plus facile (je ne suis pas persuadée que je l’aurais fait toute seule, ou en tout cas, pas cette année) et en parler à nos proches nous a empêché de reculer, toutes les fois ou on a eu des doutes. Je suis donc passée de « JAMAIS » à « c’est aujourd’hui », et c’est un drôle de sentiment. 

Avant / Après (paillettes Vs. médaille, mais on a l’air bien plus fraiches qu’on ne l’était en réalité. :x)

2. La préparation fait 70% du boulot

Ne pas avoir mûrement réfléchi notre décision (puisqu’il nous a fallu un verre de vin de trop un soir pour se dire « et pourquoi pas », et de prendre les dossards) ne veut pas dire qu’on ne s’est pas préparées. On a créé ensemble un programme d’entrainement (qui tenait compte de nos différences, ma coéquipière était plutôt une coureuse, pas grande fan de la salle de sport, et moi exactement l’inverse), mais aussi des listes de conseils que l’on a trouvé en lisant des blogs et des retours d’expérience, en discutant avec des ultra runners (d’obstacles ou non), et des check lists pour l’équipement. (J’ai condensé ça en un article: mes conseils de préparation pour l’ultra Spartan ici!)

Se lancer sans se préparer aurait été stupide, sur une course aussi longue et aussi intense – on ne peut pas attendre de son corps qu’il réagisse bien à ce genre de confrontation si on n’a pas travaillé chaque composante avant (la course, le trail, les obstacles, l’endurance, testé le matériel, etc). 
Bref, on est arrivées aussi prêtes que possible, en ayant eu 2 mois de préparation. A y réfléchir, 3 mois n’auraient peut être pas été du luxe, mais 2 mois ont suffit pour nous donner l’assurance nécessaire. 

Pas peu fière de ma boite décorée (parce que c’est plus facile pour la retrouver dans la zone de transition, mais aussi parce qu’elle est grave cool comme ça.) 

3. Rentrer dans la zone de départ a une saveur spéciale.

Une Ultra implique beaucoup plus de préparation en terme d’entrainement mais aussi d’équipement.
Le jour de la course, on doit venir plus tôt (il fallait être sur place entre 5am et 6am) pour déposer nos affaires dans la zone de transition – C’est une tente à mi parcours, entre les deux tours de course, ou l’on peut se ravitailler (remettre de l’eau dans son camelbag, reprendre des barres énergétiques, changer de chaussures ou de tee shirts si besoin). On a donc eu le temps de s’apprêter, de s’échauffer, et de s’assurer que tout était bien là ou il devait être.

La course a été un peu décalée, et l’on est rentrées dans la zone de départ avec les premiers rayons du soleil. Il faisait beau, pas trop chaud, on était en forme.
On avait pris le temps de s’étaler des paillettes sur les joues – un peu de second degré dans un moment de concentration ne fait jamais demal. On avait aussi revêtu le chasuble violet des coureurs d’Ultra, qui les différencie sur le parcours des coureurs des autres formats (ici, Beast (21km) et Super (10km), qui couraient respectivement le matin et l’après-midi.)
Du stress, des sourires un peu crispés, de la musique très forte qui sort des enceintes, et le même discours de motivation du présentateur : this is your time, this is your moment. C’était la première fois que je m’étais vraiment investie dans la préparation pour une Spartan, et c’était aussi la première fois que je prenais le départ d’une course compétitive avec quelqu’un. C’était un moment spécial, à n’en pas douter.

 

 

4. Il faut être dans l’instant, profiter et s’amuser (sans penser à l’arrivée.)

Quand on fait de la compétition, c’est quelque chose qu’on peut parfois oublier (ou mettre de coté) – mais l’essentiel reste quand même de s’amuser. Ok, on se bagarre pour la première place, et il y aura des moments vraiment difficiles physiquement et émotionnellement. Mais on est là avant tout pour passer un bon moment, se surpasser et profiter de l’adrénaline pour kiffer.
Apprécier ce qu’il se passe, sans essayer de se projeter,  est une vraie bonne façon de se détacher de la peur (de ne pas finir, de ne pas tenir jusqu’au bout, de se faire mal, etc). Et il fallait se rendre à l’évidence :  il faisait beau, les paysages étaient splendides – le parcours passait à travers des terrains très différents, dans la jungle, dans des champs, dans des grandes étendues de terres rouges ou blanches, qui rappelaient les marais salants.
Un détour nous a même fait passer dans une plantation de palmiers, et on a pu se faire arroser au tuyau d’arrosage par un des employés – il faisait une chaleur terrible, et ça reste mon souvenir le plus intense de la course, je crois.
Bref, il y avait du bon à prendre à chaque instant –  et se dire « encore 40km », ou « plus que 30km » aurait été une bétise. Il faut juste profiter -écouter son corps, mais pas trop, écouter ses pensées, sans les retenir. Rester dans l’effort, parce que dans l’effort, on est bien.

(juste après le départ, quand ça faisait encore les malignes)

5. Il ne faut rien prendre pour acquis (surtout pas les obstacles)

J’ai fait 210 burpees. Ca peut paraitre beaucoup, mais sur 8h, au final, ce n’est pas tant que ça. Cela dit, rater un obstacle (surtout quand on pense qu’on le maitrise) est toujours décevant. 
J’ai raté: 

  • le twister 2 fois – la première fois après avoir parcouru 2/3 des barres, ce qui est particulièrement rageant, la deuxième fois sans même l’essayer, parce qu’il vole beaucoup d’énergie pour pas grand chose)
  • l’Olympus 2 fois – la deuxième se soldant par une demie crise d’angoisse assez formidable
  • Le javelot 2 fois – là dessus, aucun regret, je ne suis pas foutue de viser avec un ballon, je ne vois pas pourquoi je serais meilleure avec une lance
  • Les monkey bars 1 fois – sur le deuxième tour, et c’est une de mes grosses déceptions, je les connais et les aime bien d’habitude, la première est passée sans souci majeur… mais j’étais à court de force, et j’ai lâché, bêtement.

Pour être honnête, la tempête de la veille avait fait tomber 5 obstacles, que l’on a donc eu pas l’occasion de faire – ça a probablement accéléré un peu la course – je ne pourrais pas affirmer avec certitudes qu’ils seraient tous passés, vu l’état de fatigue. 

Je retiens néanmoins qu’il faut que je continue à m’entrainer, y compris sur les obstacles que je pensais déjà « avoir », on n’est jamais à l’abri. 

 

6. Le temps passe surprenamment vite 

A la fin du premier tour, il a fallu se rendre à l’évidence : ça passait plus vite que l’on ne le pensait. La première boucle s’est très bien passée, parce qu’on ne se précipitait pas : on ne pensait pas vraiment faire un bon temps, alors on faisait juste de notre mieux, sans s’épuiser : en marchant dans les montées, en prenant le soin de mettre et enlever nos gants pour les obstacles (pour éviter que nos mains ne surchauffent, ou qu’ils prennent l’eau).. et la tente des ravitaillement est arrivée plus vite que prévu. Là, on nous a remis le chasuble blanc  « Lap leaders », les 10 coureurs les plus rapides de la course (10 pour les hommes, 10 pour les femmes.) Savoir que l’on était dans le top 10 à mi-chemin nous a donné un vrai coup de boost, et on est vite reparties de la zone de transition, après avoir rempli nos sacs (et changé de chasubles).

Et ensuite… il ne restait qu’un tour, et on a essayé de tenir et d’en venir à bout, vite et bien. On a perdu un peu la notion du temps, je crois – je vérifiais juste occasionnellement le temps passé sur le parcours, parce qu’il fallait manger toutes les heures, pour être sûres d’avoir assez d’énergie pour terminer la course. Manger n’était pas la chose la plus facile à faire – que l’on soit honnêtes, après 7h à ne manger que des barres de céréales et des gels de sucre, on sature un peu, et mâcher, avaler et digérer devient très pénible. Mais c’était aussi un signe que le temps passait, et qu’on avançait. On avait des mini Snickers de réconfort, qu’on a été contentes de trouver et de dévorer. 

Retrouvez mes conseils nutrition/hydratation pour les évenements d’endurance ici ! 

8h, sur le papier, c’est terriblement long, mais à y repenser, j’ai l’impression d’en avoir passé bien moins sur la course. Les journées au bureau me paraissent être une éternité, en comparaison.

7. La communauté Spartan donne des ailes (quand il y en a besoin)

Plus on court de Spartans, plus on rencontre de gens. Et plus, du coup, il y a des visages familiers sur la course, ou dans le public, ou parmi les volontaires. Des gens avec qui on a déjà couru, ou contre qui on court. Ceux qu’on va accrocher pour garder un rythme, ceux qu’on va poursuivre pour remonter dans le classement. Et pour autant, c’est une énorme famille, ou tout le monde se sourit et se sert les coudes. On s’arrête si quelqu’un se fait mal, on se tape dans la main quand on se croise. On se sourit, parce qu’on est dans le même pétrin, qu’on fait ça tous ensemble. Je n’avais jamais connu ça dans le sport auparavant, et sur une course aussi longue, chaque sourire, chaque encouragement a joué un rôle crucial – j’aimerais pouvoir les remercier un par un, en vérité.

 

8. Les « murs » pendant une course ne sont pas un mythe 

On n’avait jamais couru de très longues distances – pour ma part, plusieurs 10km, quelques Beast (donc 21-23km), et un entrainement de 35km. Et c’est tout. On n’avait donc aucune idée d’à quoi s’attendre, et pour avoir parlé à des marathoniens, il était question d’heurter « des murs », des moments dans la course ou vous sentez que vous ne pourrez pas aller plus loin – et qu’il faut surmonter pour pouvoir continuer.
Et j’ai découvert.. que ce n’était pas un mythe. La première boucle de 25km n’a posé aucun souci, le début de la deuxième était plus pénible (en plein soleil, 37 degrés, des longues lignes droites à courir sans obstacle), et vers 40km, l’envie d’abandonner. On n’en avançait pas, il faisait trop chaud, tout faisait mal. On se relayait pour se pacer, chacune poussant l’autre quand le besoin s’en faisait ressentir.  Et ça m’amène au prochain point…

 

9. La tête prend le relai quand le corps ne suit plus. 

Que l’on soit entrainé ou non, il arrive un moment ou l’on en peut simplement plus. A partir du 40ème kilomètre, j’avais mal aux deux chevilles dès que je trottinais. Le soleil tapait si fort que j’avais fini ma réserve d’eau trop vite, et je voyais les 10 derniers kilomètres comme au delà de mes capacités physiques.  Ma coéquipière avait mal aux hanches et une barre sous l’estomac. 
Il restait aussi 2 volées d’obstacles, et il était probable que l’on en rate certains, juste à cause de l’épuisement
Et puis.. la tête a pris le relai. On s’était promis de finir ensemble, et on allait finir ensemble. On avait vu personne depuis un moment, donc notre classement était quasiment assuré, pour peu que l’on passe la ligne d’arrivée. 

Ce n’était pas vraiment une histoire de médaille, c’était une histoire d’accomplissement – et puis, on voulait courir plus que la distance d’un marathon, par fierté, parce qu’on sait l’une comme l’autre que le marathon n’est pas une discipline pour nous. Qu’en passant la ligne d’arrivée, on pourrait dire « je n’ai jamais couru de marathon, mais j’ai couru 50km pendant une course d’obstacle ».

D’autre part, le feeling que l’on ressent quand on vient à bout d’une épreuve très difficile (comme je le raconte pour la Hurricane Heat) est incroyable. L’adrénaline, la confusion, le choc émotionnel de sortir de quelque chose qui paraissait interminable. Je voulais ça, plus que tout au monde. Et puis on a continuer à trottiner, sans se plaindre. Il fallait juste que l’on arrive. 
Sur la dernière volée d’obstacles, l’orage qui menaçait depuis un moment commence à éclater : il y a des éclairs au loin, du vent, l’orage tropical va tomber. Il y a quelque chose de très dramatique, de magnifique, d’intense à finir en voyant le ciel exploser. 

 

10. Le sentiment à l’arrivée est très différent des autres courses

Ca faisait 8heures, 17minutes et 5secondes que l’on était parties. Et à un moment donné, on saute par dessus un feu, on passe la ligne d’arrivée, et tout s’arrête. On n’a plus à courir. On nous coupe le bracelet avec la puce de tracking, on nous emmène chercher les médailles. C’est fini. Ma coéquipière s’allonge sur un carton par terre, pour s’étirer. J’essaye de me bagarrer pour connaitre nos temps, récupérer les tee shirts. Les muscles refroidissent à une vitesse folle, et je tremble de froid. La pluie s’abat d’un coup, il faut aller chercher les boites à la transition. On attend les résultats. 
On finira 2ème et 3ème du classement féminin, derrière une adorable coureuse élite qui viendra nous féliciter  1ère et 2ème de notre age group, 7ème et 8ème en age group, tout age et sexe confondu. On a fait une très belle course, pour une première. 
On est épuisées, mais loin d’être aussi mal que l’on ne l’attendait. Evidemment, tout fait mal, mais il n’y a pas ce sentiment de « plus jamais » que l’on peut ressentir parfois après une course vraiment difficile. 


En conclusion:

J’ai passé un très bon moment, je crois – malgré la douleur et les moments d’incertitude – et je pense que ma coéquipière aussi. J’espère vraiment qu’on en refera une ensemble – je sais que ce ne serait pas pareil seule. Je ne sais même pas si j’aurais le courage de continuer une fois la limite physique atteinte, si je n’ai pas quelqu’un pour partir légèrement devant et se remettre à trottiner. C’était une expérience à part, de la préparation à l’arrivée. 

Je sais aussi qu’il nous faudra un peu de temps pour s’en remettre complètement – les courbatures sont déjà parties et les bleus disparaissent tranquillement, mais les articulations tirent encore un peu et les performances à la salle de sport ne sont toujours pas optimales. Ca fait partie du processus, c’est normal, et ça nous donne le temps de réfléchir au prochain objectif. 
Pour ma part, j’aimerais monter sur un podium de Spartan Race en 2020, sur une Super ou une Beast. Je vais devoir travailler la course, que je détestais tant, et perfectionner ma technique sur les obstacles. Mais maintenant que l’on a couru celle là, les autres me font moins peur. C’est peut être pour ça qu’il faut toujours chercher un peu plus loin et sortir de sa zone de comfort : on apprend à se faire confiance, on se dépasse, et on s’améliore.

 

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